Le kératocône et ses traitements
Le kératocône est une pathologie dégénérative qui provoque un amincissement et une déformation de la cornée. Le kératocône conduit à une baisse de la vision, qui peut être définitive en l’absence de prise en charge spécialisée. Cette maladie, plus fréquemment rencontrée chez les hommes, débute généralement pendant l’adolescence et tend à s’aggraver jusqu’à trente ans. Elle se manifeste habituellement par un astigmatisme chez des patients se frottant régulièrement les yeux. Le traitement du kératocône fait appel aux collyres pour réduire le frottement des yeux et aux lentilles rigides pour améliorer la vue. Un laser et parfois même une opération, sont nécessaires.
Le kératocône en bref
- Symptômes : baisse de vision et astigmatisme
- Causes : prédisposition génétique et frottements oculaires
- Terrain : homme jeune
- Facteurs de risque : allergies chroniques, eczéma, sécheresse oculaire
- Evolution : débute à l’adolescence et évolue jusqu’à +/- 30 ans
- Diagnostic : réfraction, lampe à fente et topographie cornéenne
- Traitements : collyres, lentilles rigides, anneaux intra-cornéens, laser, chirurgie
Qu’est-ce qu’un kératocône ?
Le kératocône est une pathologie de la cornée caractérisée par une déformation anormale de celle-ci, en forme de cône. Cette déformation résulte d’une souplesse anormale de la cornée associée à des micro-traumatismes répétés liés aux frottements oculaires, principal facteur de risque. Cette déformation aboutit à une baisse de l’acuité visuelle potentiellement sévère et nécessitant des traitements spécifiques.
Causes du kératocône
Bien que les causes exactes de la maladie ne soient pas connues, certains mécanismes ont été mis en évidence :
- Hérédité – Plusieurs membres d’une même famille peuvent être atteints. Aucun gène spécifique n’a été mis en évidence à ce jour mais on estime qu’un enfant a 10% de chance d’être atteint d’un kératocône si l’un de ses deux parents l’est également.
- Frottements – Il est également accepté que les frottements oculaires répétés sur une cornée prédisposée sont la cause principale de cette pathologie. Les frottements peuvent être liés à des allergies chroniques, une sécheresse oculaire ou être parfois compulsif. Le kératocône est ainsi plus fréquent chez des patients souffrant d’allergie oculaire ou d’eczéma.
Frottements oculaires, l’ennemi du kératocône
Le premier traitement du kératocône sera d’arrêter définitivement toute attitude (consciente ou non) de frottement oculaire qui favorise la progression de la maladie. En cas d’allergies notamment, votre ophtalmologue pourra vous y aider en vous prescrivant des collyres anti-allergiques pour réduire la sensation d’irritation.
Symptômes & manifestations d’un kératocône
La découverte d’un kératocône est le plus souvent fortuite, lors d’une consultation chez un ophtalmologue pour renouveler des lunettes.
- Baisse de vision – Le principal symptôme d’un kératocône est une baisse de vision de l’œil ou des yeux atteints, le plus souvent non ou mal corrigée. En effet, la déformation de la cornée provoque une myopisation et un astigmatisme irrégulier et asymétrique, que les lunettes ou des lentilles souples ne peuvent corriger efficacement, contrairement à des lentilles rigides.
- Douleurs et rougeurs – Un kératocône n’est pas responsable de douleur ou de rougeur oculaire, sauf en cas d’hydrops ou de « kératocône aigu », lorsque la déformation de la cornée et son amincissement produisent une rupture de la couche la plus interne de la cornée(complexe « endothélio-descemétique »), et provoquent un œdème cornéen majeur. Une consultation en urgence est alors nécessaire.
Évolution naturelle d’un kératocône
- Début – Le Kératocône est une pathologie débutant le plus souvent pendant la puberté, même si de jeunes enfants peuvent également être atteints.
- Aggravation – La pathologie évolue et s’aggrave principalement lors des trois premières décennies de la vie, principalement à cause de micro-traumatismes répétés liés aux frottements oculaires.
- Stabilisation – Pour ralentir voire stopper l’évolution de la maladie, il est ainsi impératif d’éviter tout frottement. Dans certains cas, l’arrêt des frottements oculaires peut même faire quasiment disparaître le kératocône.
Diagnostic et examens complémentaires
Le diagnostic du kératocône est le plus souvent fortuit lors d’une consultation chez un ophtalmologue ou lors d’une consultation pré-opératoire en vue d’une chirurgie réfractive.
- La réfraction subjective retrouve alors une myopisation et une augmentation de l’astigmatisme, avec le plus souvent une baisse de l’acuité visuelle mesurée.
- L’examen à la lampe à fente montre un amincissement au niveau du cône, la présence d’un anneau brun autour du cône(anneau de Fleischer), de lignes blanchâtres sur la face postérieure de la cornée(stries de Vogt), voire d’opacités cornéennes dans les formes les plus évoluées ou en cas de séquelle d’un hydrops (kératocône aigu).
- La topographie cornéenne est l’examen indispensable pour le diagnostic et le suivi d’un kératocône. Cet examen permet en effet d’étudier de manière extrêmement précise la courbure et le relief cornéens, anormaux dans le cadre d’un kératocône.
Stopper l’évolution d’un kératocône
Afin de stopper l’évolution de la maladie, il convient tout d’abord d’agir sur sa cause : les frottements oculaires. Si le Kératocône continue à progresser, un « cross-linking » peut être envisagé.
- Arrêt des frottements oculaires – Comme rapporté précédemment, l’arrêt des frottements oculaire reste le moyen le plus efficace pour stopper l’aggravation d’un kératocône.
- Identifier la cause des frottements – Il convient d’identifier la cause de ces frottements afin de la traiter spécifiquement (traitement anti-allergique dans le cadre d’une allergie oculaire chronique, traitement d’une sécheresse, identifier et traiter un eczéma palpébral…).
- Position de sommeil – Il est également conseillé d’éviter de dormir sur le ventre ou sur le côté, ces positions pouvant entraîner une pression sur les globes oculaires la nuit.
- Le cross-linking – Intervention consistant à augmenter la rigidité cornéenne, le cross-linking n’a pas pour but de restaurer la vision mais d’éviter une aggravation. Cette technique est indiquée en cas de progression de la pathologie malgré l’arrêt des frottements.
Le « cross-linking » en bref
Le cross-linking consiste à instiller de manière régulière pendant 15 à 30 minutes un produit photosensibilisant, la riboflavine (ou vitamine B2), puis d’exposer la cornée aux ultraviolets de type A (UV-A) pendant plusieurs minutes.
- Mécanisme – Cette photothérapie permet de créer des ponts chimiques entre les fibres de collagène constituant le stroma cornéen, et d’augmenter sa rigidité. Il existe différents protocoles faisant varier la durée d’exposition à la riboflavine et aux UV ainsi que des techniques de réalisation différentes.
- Réalisation – Réalisé au bloc opératoire ou dans une salle dédiée, sous anesthésie locale, les deux yeux peuvent être opérés le même jour si nécessaire. Les complications sont rares mais une douleur oculaire post-opératoire est fréquente les premiers jours après l’intervention.
- Indication – Le cross-linking n’étant pas une intervention anodine et son efficacité réelle débattue suivant les équipes, il n’est réservé encore qu’aux kératocônes évolutifs malgré l’interruption des frottements oculaires.
Traitements pour restaurer la vision
Une fois que l’évolution du Kératocône à été stoppé et que la maladie est stable, il existe plusieurs traitements, médicaux ou chirurgicaux, dont l’objectif est de restaurer la vision du patient :
- Lentilles rigides : traitement de première intention, nécessite un temps d’adaptation.
- Anneaux intra-cornéens : opération laser, réversible par le retrait des anneaux.
- PKR topoguidée : opération le plus souvent en complément des anneaux intra-cornéens.
- Greffe de cornée : opération lourde à considérer en dernière option thérapeutique.
Les lentilles rigides
Les lentilles rigides, traitement de première intention, sont la meilleure solution pour améliorer l’acuité visuelle une fois que le kératocône est stabilisé. Cependant, un temps d’adaptation de 10 à 20 jours est souvent nécessaire. Afin d’améliorer la tolérance, différents types de lentilles ou possibilités existent :
- Une combinaison de lentilles ou « piggy-back », la lentille rigide permettant la correction étant apposée sur une lentille souple afin d’améliorer le confort.
- Les lentilles hybrides, constituées d’un centre rigide et d’une périphérie souple, afin d’associer confort et performance visuelle.
- Les lentilles sclérales, dont l’appui repose sur le blanc de l’œil (la sclère) et non la cornée. Elles sont indiquées pour les kératocônes les plus évoluées après échec des lentilles rigides classiques.
L’adaptation en lentille rigide est effectuée par un ophtalmologue – contactologue et nécessite plusieurs consultations afin d’essayer différentes lentilles, les lentilles finales étant produites « sur-mesure » pour le patient. Elles sont ensuite à changer tous les 2 ans.
Les anneaux intra-cornéens
La pose d’anneaux intra-cornéens consiste à remodeler une cornée anormalement déformée responsable d’une baisse de vision comme dans le kératocone, en introduisant des anneaux dans la cornée.
- Anesthésie locale – L’intervention est réalisée au bloc opératoire sous anesthésie locale topique (par collyres). Les anneaux sont introduits au sein de la cornée grâce à un tunnel réalisé préalablement par un laser Femtoseconde, comparable à celui utilisé en chirurgie réfractive.
- Durée – L’intervention dure en général 10 à 15 minutes et est totalement indolore.
- Réversible – L’avantage de cette technique rapide est son caractère réversible, les anneaux pouvant être retirés en cas de résultat non satisfaisant (rare). Cependant comme toute intervention, des complications existent et il est nécessaire d’en informer le patient avant la procédure.
Les anneaux sont indiqués en deuxième intention après échec d’une adaptation en lentille rigide et ne sont pas réalisables dans les formes de kératocône les plus sévères (Kmax > 55 dioptries, opacités stromales). Une correction optique peut toujours être nécessaire après l’intervention.
La photokératectomie réfractive (PKR) topoguidée
La PKR est une intervention de chirurgie réfractive consistant à corriger les troubles de la réfraction.
- Opération laser – La PKR permet de sculpter la cornée à l’aide d’un laser Excimer. Il est possible de réaliser cette intervention dans le cas d’un kératocône grâce à un traitement dit topoguidé, qui permettra de lisser la zone la plus bombée du cône.
- Durée – L’opération dure moins de 60 secondes par œil opéré, et les deux yeux sont opérés le même jour.
- Anesthésie locale – L’anesthésie est locale (par collyres), et aucune douleur n’est ressentie pendant l’opération.
- Suites opératoires – La PKR est suivie de quelques jours désagréables, les yeux sont rouges et une douleur peut se faire ressentir pendant quelques jours. La vision est floue pendant cet interval de récupération.
L’efficacité de la PKR dans le kératocône est cependant limitée car le traitement réalisé ne peut être trop important (au risque de trop amincir la cornée déjà fragilisée dans cette pathologie) et vient le plus souvent en complément de la pose d’anneaux intra-cornéens. Ce traitement n’est pas réalisable chez tous les patients, seul un chirurgien spécialisé peut en poser l’indication.
Les greffes de cornée
Les greffes de cornée, ou kératoplasties, consistent à remplacer la cornée malade d’un patient par une cornée saine en provenance d’un donneur.
- Indication – Dans le cadre d’un kératocône, cette intervention est proposée dans les formes les plus sévères lorsqu’il n’y a plus d’autre option thérapeutique.
- Risques – En effet, bien qu’il existe un taux de succès élevé des greffes de cornée dans le cas d’un kératocône, cette chirurgie comporte plusieurs risques non négligeables : rejet immunitaire, infection, astigmatisme géant, glaucome …
- Technique – La technique chirurgicale de choix est la KLAP pour Kératoplastie Lamellaire Antérieure profonde (ou DALK en anglais). Contrairement à la kératoplastie transfixiante ou l’ensemble de la cornée du patient est changé, ici la couche la plus profonde de la cornée, l’endothélium (couche non atteinte par le kératocône), est laissé en place afin de diminuer les risques post-opératoires et ainsi offrir un meilleur pronostic.
- Anesthésie générale – Cette intervention s’effectue sous anesthésie générale et dure environ 1h.
- Récupération – Un traitement anti-rejet par corticoides locaux est ensuite nécessaire pendant plusieurs années, et la récupération visuelle est très progressive (de l’ordre de plusieurs mois voire un à deux an pour l’acuité visuelle finale).
La greffe de cornée est donc réservée aux cas les plus sévères, et le rapport bénéfice / risque de cette procédure est à évaluer en fonction de chaque patient.
Questions fréquentes
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Le kératocône est une déformation anormale de la cornée à l’origine d’une baisse de vision. Cette pathologie touche principalement des individus jeunes.
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Le kératocône est principalement causé par des micro-traumastismes répétés de la cornée liés aux frottements oculaires. Il est impératif d’arrêter de frotter l’œil lors de la découverte de cette pathologie afin d’éviter une aggravation. Il existe probablement des facteurs de prédisposition non identifiés ce jour étant donné que cette pathologie peut toucher plusieurs membres d’une même famille.
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Les traitements du kératocone reposent sur deux types de traitement :
– Les traitements afin d’arrêter la progression de la maladie : arrêt des frottements, cross-linking ;
- – Les traitements afin de restaurer la vision : lentilles rigides, anneaux cornéens associés ou non à une PKR, greffes de cornée.
- Chaque indication est à évaluer par votre ophtalmologue spécialiste, l’arrêt des frottements oculaire étant impératif dans toutes les situations.
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Oui, le kératocône est pris en charge par la sécurité sociale et les mutuelles selon les bases de remboursement en vigueur. À noter que cette pathologie ne fait pas l’objet d’une ALD (atteinte de longue durée permettant une prise en charge à 100%).
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Oui, il est possible d’être en cécité légale (moins de 1/20) à chaque œil dans les formes les plus sévères, heureusement les moins fréquentes. Dans ce cas, une greffe de cornée peut être proposée afin de restaurer de la vision et de l’autonomie.